Un océan est souvent défini, en géographie, comme une vaste étendue d'eau salée comprise entre deux continents. C’est en réalité une portion de l’océan mondial qui ne fait que de se déplacer au gré des changements de position des continents et des orogenèses.
Si une orogenèse se termine par la collision continentale, elle débute par une océanisation. En effet le mouvement de divergence à l’origine de la fracturation continentale provoque le déplacement de deux nouvelles masses continentales amenées tôt ou tard à entrer en collision avec d’autres masses continentales. Les continents portent donc des traces de l’océanisation qu’elle soit actuelle ou passée.
Pour qu’un océan se mette en place, deux étapes sont nécessaires :
La fragmentation du continent ou rifting
La formation de lithosphère océanique ou océanisation
La tectonique globale de la Terre engendre des mouvements de divergence et de convergence. Parfois, la lithosphère continentale se retrouve étirée selon une même direction mais dans des sens opposés. Elle s’amincit et des failles normales apparaissent de part et d’autre de la ligne de fragmentation. Un fossé d’effondrement plus ou moins large se forme. Cette dépression s’appelle un rift.
On appelle rifting la phase de fragmentation d’un continent.
Carte du rift volcanique africain et image satellite montrant le relief EAfrica.png par USGS via Wikimedia commons, domaine publique, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:EAfrica.png Ethiopie surface.jpg, par NASA via Wikimedia commons, domaine publique, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ethiopia_surface.jpg
Sous l’effet des forces de distension permanentes, les failles normales s’incurvent donnant naissance à des failles dites listriques qui sont des failles de grande extension et concaves en profondeur. Les bordures du rift sont donc structurées en blocs basculés par le jeu des failles.
La lithosphère soumise aux forces d’étirement, finit par voir son niveau terrestre devenir plus bas que le niveau de la mer. Les eaux s’engouffrent alors dans cette dépression et une mer apparaît.
Les bordures des continents appelées aussi marges, peuvent être dites soit actives si elles sont le lieu d’une subduction, soit passives si aucun phénomène tectonique ne s’y déroule. Ainsi les marges continentales issues du rifting n’étant pas actives tectoniquement, ce sont des marges passives.
Section transversale de la marge passive d’un continent :
croûte continentale,
croûte océanique,
sédiments,
manteau,
océan,
faciès de réflecteur sismique plongeant sur le continent,
failles listriques.
Les marges passives sont donc de simples zones de transition entre la croûte océanique et la croûte continentale qui gardent les traces du mouvement de divergence et donc du rifting : failles normales, failles listriques et blocs basculés.
Dans le relief de transition continent-océan, donc dans le relief de la marge, on distingue 2 parties:
le plateau continental correspondant aux blocs basculés recouverts de sédiments
le talus continental, dont la pente est d’environ 4 à 5 degrés et qui assure la liaison entre le plateau continental et les plaines abyssales.
Les marges passives sont le lieu d’une sédimentation caractéristique en provenance du continent. À leur niveau, on peut distinguer trois types de sédiments :
des sédiments parallèles au socle et affectés par les failles : ce sont des sédiments qui se sont déposés avant la formation des failles, ce sont des sédiments anté-rift. Ces couches sont parallèles au plancher du socle et sont donc basculées car faisant partie des blocs individualisés par les failles (en vert sur le document précédent).
des sédiments déformés : ils se sont déposés pendant le fonctionnement des failles, ce sont des sédiments syn-rift. Ils présentent la particularité d’avoir un dépôt en éventail (voir document suivant). En effet, les failles listriques provoquent une rotation des blocs. De ce fait, le mur de la couche en cours de dépôt est en pente mais le toit de celle-ci sera forcément horizontal. Cela forme un éventail (en violet et rose sur le document précédent). Ces sédiments, du fait de l'augmentation graduelle de la pente de dépôt, présentent fréquemment des plis non tectoniques se produisant dans un sédiment non consolidé.
des sédiments qui recouvrent en discordance les précédents: ce sont des sédiments post-rift. Ils se sont déposés après la phase de rift, c'est-à-dire après l’arrêt du fonctionnement des failles, pendant l'ouverture océanique proprement dite et sont disposés en couches parallèles, horizontales qui recouvrent les failles (en orange sur le document précédent). Leur épaisseur diminue depuis la marge continentale vers le bassin océanique.
Les marqueurs d’une marge passive et donc d’un rift, sont les blocs basculés, les failles normales, les failles listriques, les sédiments Anté-rift, Syn-rift et Post-rift (marqueurs du rift) et les sédiments caractéristiques des plaines côtières, un plateau continental (faible profondeur), un talus continental (pente forte) et un plancher océanique (plaine abyssale).
L’amincissement de la lithosphère, et donc la formation d’un rift, peut se produire à la suite de deux mécanismes fondamentaux distincts : le rifting actif ou passif. L’évolution tectonique est alors très différente suivant l’un ou l’autre de ces deux modes d’amincissement.
Cas d’un rift actif
Dans ce système, l’asthénosphère remonte plus vite qu’elle ne se refroidit. Les péridotites qui la constituent, sont soumises à ce mouvement d’ascension et subissent une décompression sans perte de température : c’est une décompression dite adiabatique.
Vers 80 km de profondeur, le géotherme recoupe les conditions de pression et de température permettant la fusion partielle de ces péridotites. Le liquide obtenu donne un magma de nature basaltique, qui s’accumule dans une chambre magmatique située dans la croûte. Des éruptions volcaniques se produisent et on va observer des chaînes volcaniques dans le rift.
Un chemin de terre se dirige vers le village Masaï de Ngare Sero, à 5 km au sud. L'extrémité sud du lac Natron est visible à gauche, le bord intérieur de la grande faille à droite. Le paysage est dominé par l'immense volcan Ol Doinyo Lengai tandis que les hauts plateaux du Ngorongoro autour d'Empaakai sont visibles en arrière-plan.
Le liquide basaltique de la chambre magmatique qui refroidit lentement en profondeur donnera des gabbros (roches grenues) et formera, en remontant en surface, des basaltes (roches microlitiques dues à un refroidissement plus rapide et par étapes). Ces roches constituent la nouvelle croûte du rift qui deviendra donc une croûte de nature océanique. À ce stade, en raison de la densité élevée de ces roches, la subsidence (enfoncement) est importante et la mer s’est engouffrée dans le rift. La formation simultanée des basaltes et des gabbros assure l’expansion du fond océanique qui se retrouve progressivement surplombé par différentes couches de sédiments en provenance des continents.
À partir de la zone magmatique devenue dorsale, le manteau lithosphérique se reconstitue latéralement. Au fur et à mesure de leur éloignement de la dorsale, les péridotites résiduelles refroidissent, abaissant l’isotherme 1300°C en profondeur. Ainsi l’épaisseur du manteau lithosphérique lié à la position de cet isotherme 1300°C, augmente au fur et à mesure de l’éloignement à la dorsale.
Un isotherme est une ligne imaginaire joignant des points de même température.
L'évolution tectonique classique associée à un rift actif correspond à la suite chronologique :
soulèvement et volcanisme
extension, formation des fossés d’effondrement et sédimentation.
Une fois la fragmentation terminée, le rift actif deviendra une dorsale rapide responsable de l’océanisation.
Il ne faut pas imaginer une fracturation initiale sur toute la longueur du continent suivie d’une océanisation. C’est un mécanisme progressif : la fragmentation débute à un endroit puis se propage. Au fur et à mesure de cette propagation, on observe dans la partie la plus ancienne du rift une océanisation et dans la partie la plus récente un début d’océanisation.
C’est le stade actuel du golf de suez à l’extrémité de la mer rouge qui sépare un craton précambrien en deux.
Cas d’un rift passif
Un rift est dit passif lorsque l’extension résulte de forces trouvant leur origine aux limites de la plaque tectonique (une force de traction par exemple liée à la subduction de la plaque à l’opposé de la zone de rifting). Celle-ci s’étire alors horizontalement comme un chewing-gum, ce qui provoque d'abord en surface des fossés d’effondrement qui se comblent de sédiments et où le volcanisme est généralement absent.
L’étirement affine la lithosphère continentale et fait remonter l’isotherme 1300°C qui marque la limite entre la lithosphère et l’asthénosphère. Ce phénomène étant très lent, l’asthénosphère remonte donc sous le rift, comblant le vide laissé. Les roches du manteau n’entrent pas en fusion pas car elles remontent lentement et se refroidissent progressivement : il n'y a donc normalement pas de roches volcaniques comme dans le rift actif.
À force d’extension et d’amincissement, le plancher continental passe en dessous du niveau de la mer et cette dernière s’engouffre dans le rift. L'extension continue jusqu’à ce que la croûte se fracture, exposant le manteau et donc la péridotite à l’eau de mer. Celle-ci subit alors un métamorphisme hydrothermal et se serpentinise. Voilà pourquoi on observe souvent une ride de péridotite serpentinisée à la jonction croûte continentale-croûte océanique (en vert sur le schéma ci-dessous). Une fois le rifting totalement réalisé, une dorsale lente à semi-rapide se met en place. L'augmentation de la densité de la lithosphère à mesure qu'elle se refroidit et l'accumulation de sédiments augmentent l’affaissement.
L'évolution tectonique classique associée à ce mode de rifting correspond alors à la suite chronologique:
extension et sédimentation
soulèvement et volcanisme.
Des exemples de rifts passifs sont le rift du Rhin ou celui du lac Baïkal en Russie.
Le film de la mise en place d’un océan
Tout rifting dans un continent traduit donc une océanisation débutante. Au fur et à mesure que les continents se séparent, la lithosphère océanique se met en place et s’enfonce sous son propre poids en raison de l’abaissement de l’isotherme 1300°C. Le niveau des fonds marins augmente donc et l’étendue d’eau devient plus vaste, entourant les continents : on parle alors d’océan.
Ainsi l’ensemble des processus décrits jusqu’à présent, porte le nom d’océanisation.
Lors de la fermeture d’un océan, la plaque océanique entre en subduction sous la plaque continentale. Si la plaque océanique tracte un continent, celui-ci finira par entrer en collision avec le continent de la plaque continentale : un tel affrontement provoque la surrection d’une chaîne de montagnes dite de collision.
Les Alpes et l’Himalaya ont une telle origine et appartiennent toutes deux à la même ceinture orogénique.
Peut-on retrouver dans ces chaînes, des traces de l’océan que leur orogenèse a fait disparaître ?
L’océan alpin était limité par des marges continentales. La marge française est bien conservée et on peut observer les vestiges de sa structure. Les massifs externes comme le Belledonne, le Tailleferre, le Pelvoux correspondent à des blocs basculés limités par des failles normales. Ils témoignent de la fracturation de la croûte continentale lors de sa distension (phase de rifting). Les sédiments se sont accumulés sur ces blocs et on peut les utiliser pour dater les différentes périodes du rifting (distension de la CC) qui précède la mise en place de l’océan alpin. La fin du rifting (150 Ma) marque la naissance de l’océan alpin.
Les blocs basculés ont donné naissance dans l’océan en formation, à une série de bassins sédimentaires. Les sédiments anté-rift datent du Trias, les syn-rift du Jurassique inférieur et moyen et post-rift du Jurassique supérieur et du Crétacé. On peut donc ainsi dater le rifting du Jurassique inférieur et moyen.
Ces roches sont les vestiges de l’ancienne marge européenne de l’océan alpin qui ont été portés en altitude lors de la collision continentale.
On remarque bien également le nivellement en escalier de la marge passive au niveau des hémi-grabens plus petits de l’Alpes d’Huez dans les Alpes ou encore en Turquie dans le massif de Kaçkar.
Il y a création de plancher océanique ou accrétion au niveau des dorsales. Le magma de composition basaltique provient de la fusion partielle des péridotites du manteau supérieur. Ces magmas migrent vers la surface puis en se refroidissant plus ou moins rapidement, donnent naissance à des roches différentes toujours disposées de la même façon comme nous l’avons vu précédemment dans la partie sur les rifts actifs.
Dans la zone interne de l’arc alpin, il existe des formations rocheuses à l’aspect de peau de serpent, auxquelles les géologues ont donné le nom d’ophiolite (ophis=serpent). Elles sont constituées par la superposition de ces trois types de roches du haut vers le bas :
Basaltes à l‘aspect en coussin ou pillow-lava, très caractéristiques
Des gabbros roches grenues présentant de gros cristaux de pyroxène et de plagioclases
Des péridotites très sombres avec des veinures vertes qui leur donnent un aspect particulier à l’origine du nom de serpentinite donné à ces roches.
Ces roches sont les vestiges de l’ancien plancher de l’océan alpin dont les lambeaux ont été portés en altitude lors de la collision continentale.
Le massif du Chenaillet dans les Alpes en est un bon exemple. Il appartient à la plaque Adriatique et a été obducté lors de la collision : il a été mis en surface sans avoir été au préalable enfoncé en subduction.
Les ophiolites du Chenaillet présentent un métamorphisme hydrothermal. On observe des métabasaltes et des métagabbros à hornblendes, chlorites et actinotes qui témoignent d’un métamorphisme de basse température et de basse pression (BT/BP), avec un apport d’eau. Il s’agit donc d’une lithosphère océanique qui a subi un trajet hydratant et qui n’a pas été subduite. C’est donc une lithosphère qui a participé à l’expansion de l’océan alpin.
Les cristaux blancs sont des feldspaths, les noirs de pyroxènes. On observe autour des pyroxènes, des auréoles de métamorphisme : ce sont des auréoles de Hornblende.
Les cristaux verts sont des cristaux de chlorite et d’actinote, les noirs sont des pyroxènes.
Associées à ces ophiolites de faciès schiste vert, on observe des radiolarites qui sont des roches sédimentaires.
Elles sont constituées des tests siliceux d’animaux unicellulaires planctoniques appelés radiolaires. Elles témoignent d’une grande profondeur car au-delà de 4000m de profondeur, le calcaire des tests se dissout lors de leur chute vers le fond. Seuls les tests siliceux peuvent donc résister à une telle chute. Il s'agit donc ici d’anciens sédiments déposés au fond de cet océan sur les basaltes refroidis.
On peut également observer des ophiolites qui sont entrées en subduction et qui ont été exhumées par la suite lors de la collision.
Au Mont Queyras dans les Alpes, on trouve des complexes ophiolitiques métamorphisés en schistes bleus (présence de glaucophane). Les éclogites du massif du Mont Viso dans les Alpes italiennes, situé à quelques kilomètres à peine du Mont Queyras, attestent des conditions d’un métamorphisme de Haute Pression/Basse Température. Ces conditions de température, pression ne sont présentes qu’au niveau d’une zone de subduction. Des métabasaltes et métagabbros ont donc été entraînés en profondeur lors de la subduction avant de revenir en surface. C’est donc la preuve d’une subduction de l’océan alpin anté-collision.
La disposition des affleurements d’ophiolites permet de définir le sens de la subduction : les métagabbros les plus métamorphisés se trouvant à l’Est et les moins métamorphisés à l’Ouest on peut donc dire que c’est la plaque européenne qui est passée sous la plaque africaine.
Les cristaux bleus sont du glaucophane, les noirs sont des pyroxènes.
Les cristaux rouges sont du grenat, les verts sont un pyroxène appelé jadéite.
L’étude par sismique réflexion de la croûte continentale au niveau de l’orogène Alpin confirme bien la présence de traces d’un ancien océan. On retrouve :
des blocs basculés traduisant des restes de marges passives
des lambeaux de lithosphère océanique métamorphisée et soit obductée soit subductée puis exhumée.
L’étude des positions relatives de chacun de ces éléments amène à retrouver l’orientation de la collision et le sens de la subduction.