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La mise en oeuvre du projet républicain (1871-1914)

Introduction

Après la défaite de 1870, l'installation de la Troisième République n'est pas acquise d'emblée. Créée sous le règne d'une majorité parlementaire conservatrice, plutôt monarchiste et bonapartiste, elle va perdurer pendant près de soixante dix ans, sans véritable Constitution.

C'est pourtant l'apogée du régime parlementaire. La Chambre des députés exerce une influence décisive sur l'action des gouvernements successifs. L'œuvre de la Troisième République est considérable, aussi bien en matière d'instruction publique que du point de vue des libertés et de l'épanouissement d'une société démocratique.

La Troisième République remporte la terrible épreuve de la Grande Guerre, mais elle succombe à la défaite militaire du 10 mai 1940. Proclamée le 4 septembre 1870, deux jours après la défaite militaire de l'Empire à Sedan, la République s'installe dans des conditions difficiles. Encore en guerre contre l'Allemagne, au printemps 1871, elle réprime l'insurrection de la Commune de Paris. Son avenir est alors incertain, car la majorité monarchiste de l'Assemblée nationale prépare une nouvelle Restauration. À partir de 1879, elle s'affirme et ses institutions sont appelées à être durables. La Troisième République se consacre à la transformation en profondeur du pays. S'inspirant des idéaux de 1789, elle établit la liberté d'opinion et d'expression des citoyens :  

Exemple

Ceux-ci participent massivement aux élections qui rythment désormais la vie politique, grâce au suffrage universel.

Les conditions d'une véritable égalité entre tous les Français sont réunies dès leur plus jeune âge : 

Exemple

L'école sera, en effet, le plus solide des piliers de la République, qui émancipe l'individu tout en cimentant la nation autour des valeurs héritées de la Révolution Française : liberté, égalité et fraternité.

Surmontant plusieurs crises politiques sérieuses, le boulangisme et l'affaire Dreyfus, la République paraît consolidée et sortie de son isolement diplomatique lorsque, résolue, elle fait face à la déclaration de guerre de l'Allemagne, le 3 août 1914. Mais il faut jeter toute la puissance du pays dans la guerre pour obtenir la victoire et le retour de l'Alsace et de la Moselle, au prix de pertes humaines et matérielles considérables. De cette terrible épreuve, la France se remet difficilement. La République est finalement terrassée par la défaite de mai et juin 1940. Les bases du projet républicain sont néanmoins bien installées, et ancrées dans l’esprit des Français qui la plébiscite.

Problématique

On va donc se demander comment le projet républicain est-il mis en œuvre et fait-il face aux oppositions entre 1871 et 1914 ?

Nous verrons tout d’abord dans quel contexte la III république nait. Nous verrons ensuite comment elle est consolidée face à de nombreux ennemis. Nous verrons enfin comment elle sort renforcée des crises et des oppositions qu’elle surmonte.

Comment la IIIᵉ République naît-elle (1870 - 1879) ?

1870 - 1871 : une naissance dans le chaos

4 septembre 1870, les Parisiens apprennent que, deux jours plus tôt, leur empereur Napoléon III s'est rendu aux Prussiens à Sedan dans le conflit qui opposait donc la France et la Prusse. Ils proclament sans attendre la déchéance de l'empereur et la IIIe République. Un gouvernement provisoire se met en place et s'efforce de poursuivre la lutte contre les armées allemandes qui ont envahi le territoire.

Le 8 octobre 1870, Léon Gambetta quitte Paris en ballon pour échapper au siège de la capitale par l'armée prussienne et relancer la lutte contre l'envahisseur. Ce sera un échec.

28 janvier 1871, le gouvernement provisoire signe finalement un armistice avec le roi de Prusse. Roi de Prusse qui avait été proclamé plus tôt Empereur d'Allemagne sous le nom de Guillaume 1er, dans la Galerie des Glaces du château de Versailles ! Le symbole est fort et la volonté d’humiliation évidente. Les Parisiens et une partie des Français vivent mal cette reddition, cette défaite due à une guerre mal préparée. Les Parisiens, spécifiquement, ont dû subir la traversée de leur ville par le vainqueur prussien. Peu avant, ils avaient couvert de voiles noirs les statues de la ville. Mais ces humiliations successives font réagir les Parisiens, qui se sentent en outre trahis par leurs dirigeants. La révolte viendra donc des Parisiens.

Le gouvernement français est partagé :

  • entre ceux qui veulent continuer la guerre (Gambetta)

  • et ceux qui veulent la paix (Adolphe Thiers).

Les armées allemandes ont encerclé Paris qui subit une terrible famine. Pour qu'un traité soit possible avec l'Allemagne, le chancelier Bismarck exige la création d'un gouvernement légitime en France. Des élections pour une nouvelle assemblée constituante sont organisées en 1871. Les résultats sont clairs : les Français majoritairement ruraux votent pour les monarchistes et la paix. Adolphe Thiers devient le chef du nouveau gouvernement et défend la paix.

Mais les habitants de Paris, majoritairement des ouvriers qui ont vécu la famine pendant le siège de Paris et résisté aux attaques prussiennes, veulent continuer la guerre. La situation s’envenime et l’insurrection démarre avec l’exécution par les communards de deux généraux. Adolphe Thiers, chef du gouvernement provisoire de la République, renonce à la réprimer et s'enfuit à Versailles avec les corps constitués.

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La commune est est anéantie par l'armée au bout de six semaines, le 28 mai 1871 (20 000 morts).

Le 10 du même mois, Bismarck annexait l’Alsace et la Moselle, créant le territoire allemand d’Alsace Lorraine. La naissance de la IIIᵉ République est ainsi on ne peut plus chaotique.

<b>Louise Michel</b><div><i>https://www.herodote.net/La_Vierge_rouge_de_la_Commune-synthese-2387.php</i></div>

Louise Michel

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1871 - 1879 : une installation progressive mais définitive.

Thiers est devenu président de la République en 1871 : la loi Rivet (août 1871), qui lui confère le pouvoir exécutif, le rend également responsable devant l'Assemblée. C’était en faveur d'une république conservatrice que Thiers s’était prononcé : « La République sera conservatrice ou elle ne sera pas » avait-il dit à l’adresse de l’Assemblée en 1872.

Le 24 mai 1873, l'assemblée nationale retire sa confiance au président de la République Adolphe Thiers. Cette même assemblée, après avoir rejeté Thiers, qui démissionne rêve d'une restauration de la monarchie. Après l’échec de plusieurs candidats et, faute de mieux, l'assemblée confie le 20 novembre 1873 la présidence de la République au maréchal Patrice de Mac-Mahon pour sept ans et connu pour ses opinions légitimistes.

Exemple

C’est lui qui avait mené la répression contre les communards.

Il est élu en attendant que les monarchistes, majoritaires à l’assemblée, s’organisent et trouvent le parfait futur roi. Mac Mahon nomme le duc de Broglie vice-président du Conseil et forme un gouvernement dit d'"ordre moral”.

Définition

L’ordre moral voulu par le duc désigne dans les faits une politique conservatrice et cléricale s'appuyant sur l'Église et ayant pour but ultime de préparer les esprits à la restauration monarchique.

Mais cela prend du temps et peu à peu cependant, les députés et les citoyens s'accoutument à l'absence de monarque. C'est ainsi que le 30 janvier 1875, l'amendement Wallon introduit subrepticement le mot République dans les lois constitutionnelles. Finalement, la République s’impose. Avec le vote des trois lois constitutionnelles de 1875, un semblant de constitution voit le jour et donne une existence réelle à la IIIe République : c’est un régime parlementaire bicaméral.

Définition: bicaméral

Composé de deux chambres.

  • La Chambre des députés est élue au suffrage universel tous les quatre ans.

  • Le Sénat, une concession faite aux monarchistes, a un rôle modérateur (un quart de ses membres est nommé à vie).

  • Enfin, le président de la République, élu pour sept ans par les deux chambres réunies en congrès, dispose du pouvoir exécutif et de l'initiative des lois.

En 1876, Les républicains progressent encore et obtiennent la majorité aux élections législatives ! Face à cela, Mac-Mahon dissout la Chambre l’année suivante,  mais les républicains renforcent leur position. Incapable d'imposer un gouvernement conservateur « d'Ordre moral », le président est contraint à la démission le 30 janvier 1879. Après lui, aucun président de la IIIe République n'osera plus dissoudre la Chambre des députés.

Il est remplacé par le républicain Jules Grévy. Dès lors, le président du Conseil, chef du gouvernement, devient le véritable tenant du pouvoir exécutif sous la IIIe République. En 1880, le régime est durablement installé. Des fêtes et des symboles sont choisis pour contribuer à l'enracinement de la République.

Exemple

  • La Marseillaise devient officiellement l'hymne national en 1879,

  • Le 14 juillet est reconnu comme fête nationale en 1880,

  • Les représentations de Marianne se multiplient ainsi que toute une imagerie républicaine.

Enfin, la loi municipale de 1884 instaure l'élection au suffrage universel masculin du conseil municipal, qui désigne ensuite le maire de chaque commune. Il est demandé au maire d'avoir un local spécifique pour exercer ses fonctions : des mairies avec la devise de la République « liberté, égalité, fraternité » sont édifiées dans les villages et participent à la diffusion d'une culture républicaine dans les campagnes. Elles sont souvent complétées par la construction d'une école, qui jouera un rôle décisif dans la transmission des valeurs de la IIIe République (on surnomme les instituteurs les « hussards noirs de la République »).

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L’arrivée de la République et son installation sont donc le fruit de nombreuses volontés, mais également le résultat des aléas. La République arrive car le vide constitutionnel est réel et elle s’impose peu à peu, de façon très discrète, avant d’être fermement imposée et construite à partir de 1876 par la chambre des Députés, à majorité républicaine.

“La République des Républicains” (1879 - 1890)

Jules Ferry enracine la République et crée une culture républicaine

La présidence de Jules Grévy est marquée par l’instabilité des gouvernements qui se succèdent rapidement. Seul Jules Ferry parvient à se maintenir longtemps au pouvoir.

Exemple

Il est notamment président du Conseil de septembre 1880 à novembre 1881 et de février 1883 à mars 1885, ainsi que Ministre de l’Instruction publique à plusieurs reprises.

Les républicains ont été, durant presque tout le XIXe siècle, les victimes de l’arbitraire de l’État impérial, monarchique ou autoritaire. Pour éviter d’être les cibles de décisions ne respectant pas les principes élémentaires de la justice, ils veulent donc confier au citoyen le pouvoir de se défendre contre l’État et d’exister comme individu libre. Ferry contribue ainsi, durant ses différentes fonctions à enraciner la République via plusieurs lois emblématiques.

Exemple

  • La loi sur la liberté de la presse (29 juillet 1881) fait naître une civilisation du journal et permet l’affirmation d’un « quatrième pouvoir », un contre-pouvoir qui a pour mission de dénoncer les abus des autres. « Le souverain, c’est le suffrage universel », proclame Georges Clemenceau en 1881. Mais encore faut-il éveiller la conscience politique de tous les citoyens.

  • Pour cela, la loi garantissant la liberté de réunion (1881) constitue une étape fondamentale permettant à tous de discuter, de débattre et d’échanger.

  • Ensuite, pour intégrer la classe ouvrière au projet républicain et écarter le péril d’une révolution sociale, la loi Waldeck Rousseau autorise la formation de syndicats par branches professionnelles (1884).

Ces superbes avancées qui ont lieu pour le ministère Ferry démocratisent l’expérience politique, tout en excluant encore et toujours les femmes du suffrage. Il intègre cependant les jeunes filles aux écoles gratuites qu’il instaure : L’égalité, c’est d’abord la possibilité pour chaque individu de s’élever dans l’échelle sociale, d’où le rôle de l’éducation.

  • Ministre de l’Instruction publique, Jules Ferry met en place la gratuité absolue de l’enseignement primaire dans les écoles publiques (16 juin 1881).

  • L’année suivante, le 28 mars 1882, il proclame l’obligation de l’instruction primaire pour les enfants de 6 à 13 ans.

Les jeunes filles bénéficient de ces lois scolaires. En outre, la loi Camille Sée de 1880 avait créé des « lycées de jeunes filles » et leur avait ainsi ouvert l’accès à un enseignement secondaire public.

Enfin, la République pour un enracinement durable doit se trouver des héros : Victor Hugo sera le premier d’entre eux.

Exemple

Ses funérailles, grandioses, ayant lieu le 1er juin 1885 à Paris et réunissant entre 1 et 2 millions de Français, en sont le symbole.

« Je donne cinquante mille francs[-or] aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard. Je refuse l'oraison de toutes les Églises. Je demande une prière à toutes les âmes. Je crois en Dieu ». Hugo est inhumé au Panthéon, qui devient alors le temple des illustres de France.

<b>Funérailles de Victor Hugo</b>

Funérailles de Victor Hugo

Dans le même temps, Jules Ferry, entre autres pour faire oublier la perte de l’Alsace Moselle, lance la République dans la colonisation. Il juge en outre nécessaire la colonisation pour des raisons économiques et stratégiques. Pour lui, la République a un rang à tenir.

Exemple

Dans un discours devant le Parlement le 28 juillet 1885 il affirme ceci : ”La France ne peut être seulement un pays libre. (...) Elle doit être aussi un grand pays, exerçant sur les destinées de l'Europe toute l'influence qui lui appartient (...), et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie.” À cette conduite s'ajoute un idéal humanitaire et civilisateur polémique : "Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (...) Il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures." Dans ce même discours, il dénonce "la traite des nègres", mais n'éprouve aucun scrupule à piller leurs richesses territoriales en échange de la transmission de "notre civilisation”.

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Ainsi donc grâce à de fervents républicains, au pouvoir, la République parvient grâce à des symboles, des valeurs et des principes à s’enraciner dans la société française. Cependant, les oppositions sont fortes, et bien réelles et la lutte contre celles-ci permet à la république de s’affirmer encore.

Lutter contre les premières crises !

Si la République s’ancre grâce à l’œuvre de fervents républicains, il n’empêche qu’elle ne fait toujours par l’unanimité et que certains groupes sont prêts à la renverser.

Exemple

La crise boulangiste en est un exemple emblématique et a bouleversé la vie politique française pendant trois ans, de 1887 à 1889. Au cours de cette période, un homme, le général Boulanger a rassemblé autour de son nom les espoirs d’une grande partie de l’opinion publique hantée par la menace d’une guerre avec l’Allemagne et déçue par le régime républicain en place, ainsi que des royalistes ou des bonapartistes.

Qui était ce général ? Georges Boulanger, après avoir été militaire, est devenu ministre de la Guerre en 1886. Très vite, il apparaît comme un ministre très populaire dont les réformes séduisent la troupe et l’opinion publique. De plus c’est un homme charismatique. Par des mesures simples et efficaces, il améliore le sort des hommes de troupe. Républicain, ami de Gambetta et de Clemenceau, il sait faire preuve de fermeté à l’égard de la partie la plus conservatrice de l’armée, qui est restée massivement royaliste. Pour beaucoup, il incarne le désir de revanche contre la jeune Allemagne et ses discours belliqueux vont dans ce cens.

Boulanger quitte le gouvernement en mai 1887. Il cesse alors d’être l’homme d’un parti pour incarner toutes les nostalgies d’un pays vaincu et toutes les espérances de ceux qui veulent en finir avec le régime républicain en place. Élu député du Nord en avril 1888, il devient le chef du camp nationaliste à la Chambre.

  • Il mène alors une campagne vigoureuse contre le gouvernement.

  • Il exige la révision de la Constitution, prône la dissolution de l’assemblée parlementaire.

Officiellement, il s’agit de revoir les institutions pour aboutir à une République définitive et incontestée. En fait de nombreux bonapartistes et monarchistes espèrent pouvoir profiter de la révision constitutionnelle pour renverser la République. Les dirigeants de la IIIe République prennent la menace au sérieux. Ils craignent que le général ne marche sur l'Élysée et ne commette un coup d'État comme ses partisans le lui demandent. Le président Sadi Carnot, à peine élu, se prépare déjà à faire ses valises. Tout cela survient en pleine préparation des fêtes du centenaire de la Révolution, qui doivent consacrer le triomphe de la République avec l'Exposition universelle et la Tour Eiffel. Dans le pays, l’agitation est à son comble.

La IIIᵉ république est directement menacée face à ce mouvement qui la conteste. Le gouvernement réagit donc fermement, en dénonçant le "complot boulangiste", et lance un mandat d’arrêt contre le général, en avril 1889. Boulanger, assez peu téméraire, abandonne les foules et s’exile : il part rejoindre sa maîtresse à Bruxelles. Il est condamné par contumace c’est-à-dire qu’il est absent lors de son procès. Boulanger mourra en Belgique en septembre 1891 après avoir incarné pour de nombreux Français l’espoir d’un nouveau régime.

Une République renforcée mais une société divisée

La République réagit fermement aux attaques

Le contexte économique des années 1870 - 1890 est assez mauvais, touché par la crise bancaire de 1873.

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Le début des années 1870 est marqué par la faillite de plusieurs banques en Europe. Cette crise se poursuit par le krach de la bourse de Vienne, qui affecte ensuite l'Europe Centrale, puis les États-Unis.

Cela marque le début d'une crise économique, la Grande Dépression, qui se poursuivra jusqu'en 1896. Le contexte économique morose provoque ainsi une morosité sociale et donc des contestations anti-républicaines qui se multiplient, de plus en plus violentes et notamment anarchistes.

Exemple

  • 11 juillet 1892 : Ravachol, activiste anarchiste, est guillotiné à Montbrison pour avoir fait exploser les domiciles de deux juristes parisiens, ainsi qu’une caserne (mars 1892). Ces attentats lui coûteront tout d’abord la perpétuité, mais après avoir été jugé pour des crimes commis dans sa région natale (la Loire), il sera condamné à mort. Le 21 juin, la sentence est prononcée et il crie : « vive l’anarchie ».

  • 9 décembre 1893 : Auguste Vaillant, lance une bombe chargée de clous sur les députés, aucun mort, seulement un blessé ; lors de son procès il justifiera cet acte par la volonté de venger Ravachol. Il est exécuté le 4 février 1894.

  • Le 27 avril 1894 : Procès d’Émile Henry pour l’attentat du 12 février 1894 au café Terminus, et l’explosion du 8 novembre 1892 d’un commissariat. Émile Henry revendiqua hautement et fièrement ses actions, lisant une déclaration dans laquelle il analyse la société corrompue et plaide la révolte.

  • 24 juin 1894 : Sadi Carnot, le président de la république, est assassiné par un anarchiste italien : Sante Geronimo Caserio, le 24 juin 1894 à Lyon.

La République doit réagir, sans quoi elle disparaîtra. Cette vague d’attentats va ainsi donner naissance à de nouvelles lois, appelées « lois scélérates » par les anarchistes.

  1. La première (votée le 12 décembre 1893) condamne l’apologie de quelconque crime comme un délit ; de façon à alourdir les peines imputées aux anarchistes qui revendiquent clairement et fièrement leurs attentats, à condamner la presse anarchiste et à pouvoir faire des saisies « préventives » plus aisément.

  2. La deuxième (du 18 décembre 1893) permet aux autorités judiciaires de condamner toute personne ayant participé (de près ou de loin), même s’il n’y a pas eu de mise en exécution.

  3. La dernière : Condamnation de toute personne, tout journal, ayant usé de la propagande anarchiste.

Ainsi donc, tout libertaire coupable du délit de parole, ou d’apologie des actes de propagande pouvait être condamné au bagne. Cette loi a conduit certaines personnes ont été condamnées pour s’être réjouies de la mort du président Sadi Carnot. ?

L’étape de la séparation

Au début du XX siècle, les relations de la France avec l’Église, mise à mal avec l’arrivée de la République, empirent fortement. Les élections de 1902 portèrent au pouvoir Émile Combes, qui va mener une politique résolument anticléricale, c’est-à-dire anti Église. Ex-séminariste devenu athée et adversaire déterminé de la religion, il assume de mener une politique « énergique de laïcité ».

Exemple

Deux ans après son arrivée au pouvoir, le 29 juillet 1904, son gouvernement décide de rompre les relations diplomatiques avec le Vatican.

Dès lors, la voie est ouverte à la séparation des Églises et de l’État.

Exemple

  • En 1904, il interdit aux congrégations d’enseigner, y compris dans les écoles publiques. Ainsi, près de 2 000 écoles furent fermées.

  • En 1905 il dépose un projet de loi proposant la Séparation des Églises et de l’État, mais tomba avant d’avoir pu la faire adopter, faute d’une majorité parlementaire suffisante.

Ce n’est donc pas à lui que l’on doit le texte définitif mais à une commission parlementaire menée par Aristide Briand, qui débat d’avril à juillet 1905 et qui aboutit à une proposition de loi, votée le 9 décembre 1905. La loi affirment plusieurs grands principes parmi lesquels :

  • L'indépendance réciproque de l’État et de l’Église

  • La garantir par la République du libre exercice des cultes et la liberté de conscience

  • Ou encore l’interdiction pour l’état de toute ingérence dans les questions religieuses

  • Et la non-subvention des cultes.

La loi est très mal accueillie par l’Église catholique et dans les campagnes conservatrices, tandis qu’elle est saluée par les progressistes du pays.

<b>La loi du 9 décembre 1905 : séparation des Églises et de l’État</b><br><div><i>https://www.histoire-image.org/fr/etudes/separation-eglises-etat</i><b><br></b></div>

La loi du 9 décembre 1905 : séparation des Églises et de l’État

https://www.histoire-image.org/fr/etudes/separation-eglises-etat

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La République est renforcée, la société divisée. Mais c’est une affaire qui, dans le même temps, va mettre en exergue les divisions de la société française en ce début de XXᵉ siècle.

La société divisée

L’affaire Dreyfus, de 1894 à 1906, est une nouvelle épreuve pour la République, après le scandale de Panama qui rejaillit gravement sur certains dirigeants politiques et déclenche une vague d'antiparlementarisme et d'antisémitisme.

Exemple

Le capitaine Alfred Dreyfus est dégradé et condamné à la déportation à vie en Guyane, accusé d'avoir transmis des documents secrets à l'Allemagne après la découverte, dans une corbeille, d'un bordereau d'envoi aux services allemands de notes relatives aux activités militaires de la France. En 1896, une contre-enquête menée par le lieutenant-colonel Picquart du service de Renseignement établit la culpabilité du commandant Esterhazy et démontre la fabrication d'un faux accusant injustement le capitaine Dreyfus.

Le 11 janvier 1898, Esterhazy est acquitté par un conseil de guerre. Le 13 janvier est publié dans le journal L'Aurore un article d'Émile Zola intitulé « J'accuse », visant à déclencher contre lui un procès et à démentir les propos tenus à la Chambre des députés par Jules Méline : « Il n'y a pas en ce moment, il ne peut pas y avoir d'affaire Dreyfus. » Zola est inculpé et condamné à un an de prison. Deux camps s'opposent dans le pays.

En août 1898, une nouvelle enquête, ouverte par le Ministre de la Guerre, établit qu'un faux a en réalité été fabriqué par le commandant Henry, qui se suicide peu après en prison. Charles Maurras estime qu'il s'agit d'un faux patriotique ne remettant pas en cause la culpabilité de Dreyfus. Bien que la Cour de cassation ait cassé l'arrêt condamnant Dreyfus, le Conseil de guerre condamne une nouvelle fois Dreyfus, le 7 août 1899, à dix ans avec les circonstances atténuantes.

Mais le 19 septembre 1899, le Président de la République, Émile Loubet, le gracie ! Une loi du 27 décembre 1900, à l'initiative du gouvernement Waldeck-Rousseau, amnistie les faits se rattachant à l'affaire Dreyfus notamment les délits de presse, de réunion et d'association. La Cour de cassation annule sans renvoi le jugement du Conseil de guerre : l'innocence de Dreyfus est reconnue par la Cour de cassation mais seulement en 1906. Une loi du 19 juillet 1906 réintègre le capitaine Dreyfus au grade de lieutenant-colonel et une autre le lieutenant-colonel Picquart au grade de général de brigade.

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La République menacée est sauvegardée. Politiquement, l’affaire Dreyfus a eu pour effet de structurer l’échiquier : on assiste en effet à un regroupement contre la droite nationaliste, appelée l'alliance de Défense républicaine entre radicaux, radicaux- socialistes, républicains socialistes et socialistes. En même temps les socialistes indépendants se réunissent sous l'égide de Jean Jaurès.

Mais l'affaire Dreyfus révèle aussi un profond malaise : elle fait en effet apparaître au grand jour une société morose, et profondément divisée. 

  • On découvre le racisme,

  • L'antisémitisme

  • Et une nouvelle forme du nationalisme se caractérisant par le rejet violent de l'étranger et la crainte d'une dissolution de l'identité française, associée à un peuple et à une religion.

C’est cette société divisée qui est pourtant de plain-pied dans une période appelée la Belle époque, époque marquée par les progrès sociaux, économiques, technologiques et politiques, s'étendant de la fin du XIXe siècle au début de la Première Guerre mondiale en 1914, guerre à laquelle survivra la IIIᵉ République.

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