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Permanences et mutations de la société française jusqu'en 1914

Introduction

La fin du XIXᵉ siècle est marquée par des mutations importantes. Elles sont liées à l’enracinement de la République depuis 1870.

La période 1870 - 1914 s'accompagne aussi du triomphe de la bourgeoisie, mais aussi et surtout de l’arrivée d’une nouvelle classe qui avait effrayé la seconde république en 1848 : la classe ouvrière. Cette classe, en pleine expansion avec la multiplication des usines s’organise et se politise de plus en plus. Elle effraie toujours massivement le pouvoir et les classes dirigeantes, issues de la bourgeoisie.

Dans le même temps le monde paysan change lentement, la France demeurant très majoritairement rurale.

Enfin, la société évolue notamment en ce qui concerne la place des femmes et des immigrés.

Problématique

La question qui se pose est simple : quelles sont les permanences, c’est-à-dire les choses qui restent, qui demeurent, et les mutations, c’est-à-dire les évolutions, de la société française entre 1870 et 1914 ?

Nous répondrons à cette problématique en deux temps : le premier nous permettra de nous intéresser à l’entrée de la France dans ce qu’on appelle l’ère industrielle. Nous parlerons de la Révolution industrielle en elle-même et des conséquences sociales qu’elle provoque ; pour cela nous nous attarderons notamment sur l’idée de l’émergence des classes sociales. Le second temps nous offrira l’opportunité de réfléchir aux évolutions de la société en axant notre travail sur deux points : d’abord la structuration politique des forces vives du pays, puis la place des femmes et des immigrés.

Une société qui entre dans l’ère industrielle

La Révolution industrielle

Dès le Moyen Âge, les paysans et les artisans européens ont développé de nouvelles techniques pour produire davantage de richesses avec moins de peine :

Exemple

Moulins à eau et à vent, jachère agricole sont deux exemples qui ont changé les pratiques agricoles.

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Les innovations techniques se multiplient dès la fin du XVIIe siècle en Angleterre. Avec la mise au point par l’écossais James Watt de la machine à vapeur en 1769, les changements provoqués sont extrêmement rapides et on peut alors parler de révolution industrielle.

La machine à vapeur permet en effet d'actionner automatiquement de puissantes machines dans les secteurs dynamiques de l’époque comme les ateliers de tissage.

Au début, la machine à vapeur fonctionne avec du charbon de bois. Mais rapidement, le bois ne suffit plus et il faut aller chercher du charbon dans le sous-sol pour satisfaire aux besoins d'énergie de l’industrie, qui grandit extrêmement rapidement. Naturellement, les pays richement dotés en gisements houillers prennent de l’avance dans l’industrialisation : il s’agit de l'Angleterre, de la Belgique et de l'Allemagne de l'ouest (la vallée de la Ruhr).

En 1856, c’est une autre invention qui donne un coup d’accélérateur à l’industrie : le four de l'Allemand Bessemer. Il permet la production d'acier en grande quantité et à bas prix. Il permet la production d'acier en grande quantité et à bas prix.

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Cette nouvelle invention stimule donc la production d’acier, qu’on appelle sidérurgie, et par extension, elle dynamise l'industrie mécanique, c’est-à-dire la fabrication de machines-outils, de rails et de locomotives, d'armements, etc.

La Révolution industrielle provoque aussi une révolution des transports :

  • La locomotive inventée en 1813 par le britannique George Stephenson, permet la construction et l’ouverture de la première ligne commerciale (marchandises et passagers) de chemin de fer dès 1830 entre Manchester et Liverpool. Les chemins de fer prennent dès lors un immense essor dans toute l'Europe et aux États-Unis.

  • Le commerce maritime trouve quant à lui un nouveau souffle avec la multiplication des bateaux à vapeur et l'ouverture des canaux.

Exemple

Par exemple, le canal de Suez permet à partir de 1869 de passer directement de la Méditerranée à l'océan Indien ; le canal de Panama évite à partir de 1914 aux navires de contourner le continent américain pour passer du Pacifique à l’Atlantique.

Enfin, entre 1890 et 1910, apparaissent d’autres inventions donnant naissance à de nouveaux secteurs :

Exemple

on peut citer l'automobile, le cinéma, ou encore l’aviation.

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La France et l’Europe entrent dans une nouvelle ère, qui bouleverse les modes de vie

J’évoquais à l’instant les modes de vie, intéressons-nous dans un deuxième sous-point à deux classes sociales : bourgeois et ouvriers.

Bourgeoisie et classe ouvrières.

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Avec la mécanisation, les ateliers artisanaux traditionnels sont peu à peu remplacés par de grandes usines où travaillent des dizaines ou des centaines d’ouvriers.

Comment dans tout système entrepreneurial capitaliste, pour développer les activités et être plus performants que les concurrents, les chefs d'entreprise s'efforcent de fabriquer leurs produits à un coût aussi bas que possible. Pour cela, ils compriment les salaires de leurs ouvriers et s'efforcent d'améliorer la productivité, c'est-à-dire le nombre de produits fabriqués dans un temps donné.

La productivité de l'industrie progresse très vite au cours du XIXe siècle en Europe et aux États-Unis, du fait des inventions techniques comme l'électricité et d'une organisation rigoureuse du travail.

Exemple

À la veille de la Grande Guerre de 1914-1918, un constructeur américain d'automobiles, Henry Ford, inaugure la production industrielle en grande série, en divisant chaque tâche en une succession d'opérations très simples, chaque opération étant confiée à un ouvrier. Ainsi, aucun ouvrier ne perd de temps à passer d'une opération à une autre.

Cette organisation scientifique du travail, OST, aussi appelée «taylorisation» du nom de l'ingénieur américain Frederick Winslow Taylor qui en avait eu l'idée, facilite aussi l'emploi de personnes sans qualification venues du monde rural ou des faubourgs pauvres. En effet, l’ouvrier, immobile derrière le tapis roulant, n’a pas besoin de formation longue ou complexe afin de pouvoir travailler ; quelques minutes suffisent parfois pour former un ouvrier à son travail.

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C'est donc la machine qui crée la classe ouvrière.

Les ouvriers forment ainsi ce qu’on appelle le prolétariat industriel.

Propriété

Leurs conditions de travail sont difficiles. Dans les usines, le bruit est permanent, la température est élevée l'été et glaciale l'hiver. La saleté règne dans tous les ateliers, entre autres à cause de l'utilisation d'huile. L'insécurité est présente tout au long des journées, l'ouvrier est toujours menacé par la chute de pièces, les courroies des machines qui cassent... Le travail dans les fabriques est très éprouvant physiquement comme moralement.

Aux déplorables conditions de travail s'ajoute la fatigue des trajets : comme la plupart des ouvriers habitent à la campagne, ils ont de longues distances à parcourir à pied, qui leur infligent des efforts supplémentaires. Les usines manquent d'endroits où les gens se reposent ou prennent leur repas. Ce travail pénible provoque un taux de mortalité plus élevé dans la classe ouvrière que dans les autres classes sociales.

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Les années 1880-1914 furent donc celles du développement rapide du capitalisme, grâce aux progrès techniques et industriels.

Toute la société finit par être bouleversée par l'industrie et ses mutations. Dans tous les domaines, des entreprises naissaient et fructifiaient. Certaines des entreprises créées à cette époque allaient connaître un bel avenir.

Exemple

Par exemple celle de la famille Ricqlès: spécialisée dans les produits à base de menthe, l'usine installée à Elbeuf, en Normandie, faisait travailler pas moins de 1 200 ouvrières.

On peut aussi citer l'entreprise Bolloré, une papeterie, qui au début du XXe siècle était le fournisseur de tous les géants américains du tabac.

Dernier exemple : La maison Michelin. Cette firme créée au milieu du XIXe siècle, prit son essor à la fin du siècle.

Remarque

En 1891, l'invention du pneu démontable de bicyclette donna la victoire à un coureur cycliste équipé par Michelin lors d'une course Paris-Brest. On raconte même que les frères Michelin avaient pris le soin de faire mettre des clous sur le parcours pour crever les pneus de tous les concurrents et forcer la victoire de leur poulain qui avait des pneus démontables…

Bref, au delà de l’anecdote, retenons surtout que la période est donc une période de développement économique intense.

Mais elle fut aussi marquée par une série de crises. Après chaque crise, de nombreuses entreprises disparaissent … petit à petit elles se retrouvent moins nombreuses, plus concentrées et plus grandes. C’est ainsi, que certaines sociétés ont formé de véritables empires, en englobant toutes les activités de leur secteur.

Après nous être intéressés aux ouvriers et aux bourgeois, il est maintenant temps de passer un peu de temps avec la composante de la population encore largement majoritaire : les ruraux.

Une France qui demeure rurale

Au XIXᵉ siècle, la France est encore un pays rural. Elle le restera jusqu’à l’après seconde guerre mondiale. Cependant, une tendance générale est observée en France et en Europe : la diminution de la population rurale, et l'augmentation de la population urbaine, dans le contexte d’un phénomène appelé exode rural.

Tous les pays ne connaissent pas la même évolution et le Royaume-Uni montre en un sens l'exemple : vers 1850, il compte déjà plus d'urbains que de ruraux, alors que la France n'en compte que 25%.

Exemple

À la veille de la première guerre mondiale, en 1914, le Royaume-Uni compte environ 75% d'urbains, l'Allemagne 60% mais la France compte toujours environ 45%, donc pas une majorité.

En fait, depuis le Moyen-Âge, la vie des paysans n’a pas tellement changé.

Propriété

C’est une vie de labeur, difficile qui suit les saisons. La natalité est forte à la campagne afin d’assurer un nombre de bras suffisants à la ferme.

Ce fort peuplement des campagnes fait que les paysans quittent les campagnes, alimentés par une envie de changement et attirés par la modernité urbaine. Mais une fois arrivés en ville, les conditions de vie des ruraux sont souvent au moins aussi difficiles qu’à la campagne, souvent pire. Si l’exode rural est si important c’est parce que la ville est attractive. Elle est vue par les ruraux comme le lieu du progrès et d’une vie meilleure.

La révolution industrielle est par ailleurs à l'origine de transformations importantes du travail agricole.

Exemple

À la fin du XIXe siècle on voit ainsi apparaître des moissonneuses, des batteuses, l’apparition lente des engrais chimiques, permise par les progrès de la chimie.

Le chemin de fer lui aussi a un rôle dans la transformation de l’agriculture française car il permet des exportations d'une région à l'autre plus faciles : grâce à ces connexions, chaque région n'a plus besoin de produire de tout, ce qui entraîne une spécialisation régionale des productions : par exemple dans le Nord du pays se développent des cultures dites industrielles parce qu'elles sont destinées à une transformation par l'industrie.

Exemple

On peut citer la betterave avec laquelle on fabrique le sucre, ou le chanvre et le lin que l’industrie transformera en pièces de tissus.

Dans ce même esprit, se développent également des cultures spécialisées, destinées à l'exportation :

Exemple

on peut citer les fruits de la vallée du Rhône ou les légumes bretons.

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Cependant, la révolution industrielle n'a pas fait disparaître les campagnes, loin de là. Aux portes de la guerre, en 1914, la société française est encore majoritairement rurale, mais l’évolution, immuable, est en marche.

Une société qui s’organise

Introduction

Après avoir vu dans notre 1ère partie comment la France entrait dans l’ère industrielle, nous allons nous intéresser ici à l’organisation politique et sociale de la société en cette fin de XIXᵉ siècle.

L’affirmation des forces politiques et sociales

Une partie des ouvriers est fortement revendicatrice et se politise.

Exemple

Un certain Jules Bazile, bien plus connu sous le nom de Jules Guesde œuvre à la reconstitution d’un mouvement ouvrier structuré. En 1905, avec d'autres, il fonde la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO).

Néanmoins il n’y a pas d’unanimité politique chez les ouvriers politisés :

  • Les plus révolutionnaires sont réunis autour de Jules Guesde

  • Tandis que les réformistes sont incarnés par Jean Jaurès.

Les syndicats constituent l'autre axe de l'action ouvrière. En 1884, les syndicats avaient été autorisés par la loi Waldeck-Rousseau. Leur action est avant tout politique et vise à contribuer à la perspective d'une révolution ; les syndicats Français ont en effet longtemps été marqué par leurs actions révolutionnaires.

Exemple

En 1895, la Confédération générale du travail (CGT), qui existe encore de nos jours est créée. En 1906 la CGT dévoile sa stratégie officielle : ce sera celle de la grève générale, ayant pour but de déstabiliser la société capitaliste afin d’obtenir gain de cause dans les revendications.

Malgré la structuration des mouvements, la syndicalisation des ouvriers français reste toutefois limitée, et inférieure à celle constatée dans les pays voisins, où les syndicats ont choisi la voie réformiste plutôt que la voie révolutionnaire.

En outre, le mouvement ouvrier connaît des luttes importantes. La plupart des grèves et occupations d'usines restent organisées à l'échelle d'une entreprise ou d'une ville, avec une revendication précise. La répression est souvent très dure et peut conduire à des licenciements ou à un recours aux forces de l’ordre.

Exemple

Le 1er mai 1891, pour la deuxième fois, les organisations ouvrières du monde entier se préparent à agir par différents moyens dont la grève pour l’obtention de la journée de 8 heures, conformément aux directives de l’Internationale ouvrière. En France, le contexte est plus répressif qu’il ne l’était l’année précédente.

À Fourmies, petite ville textile du Nord proche de la frontière belge tout juste sortie d’une longue grève, le patronat a menacé de licenciement les ouvriers qui arrêteraient le travail et obtenu du préfet qu’il mobilise un important dispositif de maintien de l’ordre. En l’absence de forces spécialisées, c’est alors, en France, à l’armée qu’incombe cette mission. Deux compagnies d’infanterie ont été mobilisées. En fin de journée, les soldats tirent sur quelques centaines de manifestants qui tentent d’obtenir la libération de grévistes interpellés dans la matinée et emprisonnés dans la mairie. Les affrontements se soldent par neuf morts, dont quatre jeunes femmes et un enfant.

Ces morts vont devenir un symbole de la République répressive, marquée par la rupture entre ses classes sociales. Petit à petit, les grèves changent d'échelle et deviennent plus larges : on parle de grèves générale.

Exemple

On peut citer celles de 1906 et de 1909.

Ces luttes conduisent à la prise en compte par le pouvoir de la nécessité des mesures sociales, dans la lignée de celles qui avaient été amorcées pendant le second Empire. Elles restent toutefois limitées.

En 1906, on rétablit le repos dominical. Toutefois, la revendication d'une limitation du temps de travail des hommes par la loi ne sera satisfaite qu'en 1919.

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C’est donc une vraie affirmation des forces politiques et sociales qui émerge en cette fin de siècle. Affirmation qui structurera tout le XXᵉ siècle.

Femmes et immigrés, une place qui évolue entre 1870 et 1914

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La condition des femmes dépend du milieu social auquel elles appartiennent, selon qu’elles sont issues du monde agricole, ouvrier ou bourgeois.

Dans les deux premiers milieux, le travail féminin est existant depuis toujours et absolument indispensable à l’équilibre économique du ménage.

Dans le monde bourgeois, les choses sont différentes. En effet, l’idée de la femme au foyer s'impose et gagne du terrain à mesure que s'affirme la classe moyenne. Dans les élites, certaines femmes se battent déjà, et depuis longtemps pour leurs droits. Elles se heurtent cependant à l'hostilité de la classe politique.

Exemple

Par exemple concernant la question du droit de vote, qu’elles n’obtiennent qu’en 1944.

On doit cependant noter que depuis le second Empire, certaines mesures en faveur des femmes ont été prises :

Exemple

  • On peut citer en 1880, la loi Camille Sée ouvre l’Université parisienne de la Sorbonne aux femmes

  • Ou en 1882, l’ouverture du premier lycée de filles à Montpellier.

Le mouvement ouvrier accorde lui aussi une place aux femmes.

Exemple

En 1911, une section féminine de la CGT est créée.

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L’évolution est lente mais petit à petit les femmes occupent une place et un rôle de plus en plus reconnu dans la société française.

Concernant l’immigration elle est due à une croissance démographique faible. En 1914, on atteint tout juste les 40 millions de Français. Ainsi, les migrations agissent en compensent cette faible natalité.

À l’intérieur du territoire les migrations interrégionales se multiplient et provoquent l’exode rural évoqué plus haut. Les zones de départ sont souvent celles où l'emploi rural est en crise. Le monde urbain étant en outre fantasmé par une partie des ruraux en quête de modernité. À l'arrivée en ville, les emplois sont souvent pratiqués en fonction de la région d'origine :

Exemple

Les maçons du Limousin, les ramoneurs savoyards ou encore les chiffonniers ou les cafetiers auvergnats sont nombreux à Paris.

À ceux-là s'ajoute une immigration internationale de plus en plus importante, provenant surtout des pays européens voisins. En 1900, on compte en France environ un million d'immigrés, dont 330 000 Italiens et 320 000 Belges, suivis par 80 000 Espagnols et autant d'Allemands.

Exemple

Les Belges sont travailleurs saisonniers dans l'agriculture maraîchère du Bassin parisien ou mineurs dans le Nord. Les Italiens constituent une part de plus en plus importante des immigrés dans les années 1890.

Remarque

Des réactions xénophobes ont parfois lieu comme à Aigues-Mortes en 1893, où les immigrés italiens sont attaqués, on compte au moins une dizaine de morts.

Conclusion

  • En cette fin XIXᵉ, la France est un pays bouleversé par le changement. Changement technique, qui provoque un changement économique, puis social.

  • Ces changements, ces mutations sont cependant marquées par la persistance de permanences, c’est-à-dire que l’ordre traditionnel demeure. La société, si elle évolue ainsi fortement reste marquée par une vraie rupture entre les villes et les campagnes, et par une relation homme femme marquée par le paternalisme.

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